Quel Vercors voulons-nous ?

, par Eric Charron

La municipalité de la Chapelle en Vercors se trouve devant un choix complexe qui va impacter notre qualité de vie dans le Vercors. Un poulailler industriel pourrait se construire au hameau des Chaberts. Ce projet est porté par la coopérative Valsoleil et un agriculteur de Saint Agnan en Vercors.
Un faisceau d’éléments nous dérange fortement.

Une forme de malhonnêteté intellectuelle :

  1. Le projet est présenté comme « un élevage de poules en plein air ». De nombreuses études montrent qu’au delà de quelques milliers de poules, elles sortent peu du bâtiment. Il est question ici de plusieurs dizaines de milliers.
  2. Le projet concerne un effectif de 29 900 poules. Juste le nombre qui permet d’éviter les études d’impact (sur la ressource en eau, les effluents ou les nuisances pour le voisinage ou l’environnement…) et les enquêtes publiques.
  3. Cet énorme investissement et toutes les nuisances qu’il entraîne ne va créer qu’un seul emploi. Pour la FNAB un élevage de 3000 poules bio est rentable (même si Valsoleil affirme le contraire). On pourrait ainsi créer 10 emplois, répartis sur le territoire et développer une vraie filière d’œufs pour infiniment moins de nuisances.

Un projet hasardeux ?

  1. Aucune installation actuelle de Valsoleil n’est située sur un terrain aussi accidenté, qui pourrait entraîner un drainage des fientes et polluer la Vernaison en contrebas. Il s’agit donc là d’un pari. Tous les risques ont-ils été bien mesurés ?
  2. Est-ce bien le moment de développer des élevages massifs d’animaux alors que les scientifiques prédisent une multiplication des événements épidémiques graves (grippes aviaires par exemple) avec des risques pour la santé humaine ?

Un choix de développement discutable :

  1. Dans ces contrats dits « d’intégration », les poules et leurs aliments proviennent de la vallée et les œufs sont commercialisés dans la vallée. Rien ne sera produit ni ne restera à la Chapelle en Vercors… Sauf les nuisances pour les habitants des Chaberts et les risques sanitaires pour l’élevage de vaches laitières voisin, auxquels il faudra ajouter la circulation de plusieurs gros camions par semaine et un énorme bâtiment de 120 mètres qui détériorera durablement le paysage.
  2. Les collectivités locales mais aussi les habitants quand ils sont consultés affichent leur engagement pour un développement durable. Les opinions des habitants ont été pris en compte à travers la Charte du Parc du Vercors, le Plan Alimentaire Territorial et un Contrat de Transition Écologique.
  3. Le Contrat de Transition Écologique, approuvé par le Conseil Municipal de La Chapelle en Vercors, engage la commune sur des objectifs clairs pour lutter contre le réchauffement climatique.
  4. Le Plan Alimentaire Territorial de la Communauté des communes, élaboré avec la Chambre d’Agriculture montre clairement la voie vers une alimentation locale et saine, se basant sur des études de terrains auprès de tous les professionnels, y compris les agriculteurs, et le recueil de la volonté des habitants.
  5. Il serait donc choquant qu’à la première atteinte à ces projets de territoire, qui sont clairement des exigences citoyennes, la commune renie ses engagements en ne prenant pas position contre cette implantation.
  6. Dans le Vercors, la proportion d’agriculteurs qui se sont engagés dans la transformation et/ou la production biologique est bien supérieure à la moyenne nationale. Nous voulons rester fiers de notre agriculture.
  7. Si ce poulailler voyait le jour, ce serait la porte ouverte à d’autres installations de ce type, installations dont beaucoup de gens ne veulent pas sur le Vercors.

Alors, quel Vercors voulons nous ?

Au-delà du développement d’une agriculture dont beaucoup ne veulent pas sur le Vercors, c’est aussi le « bien vivre » sur notre territoire qui risque d’être remis en question. Comme le dit le sociologue Philippe Bourdeau, « A l’avenir, les touristes rechercheront des endroits où il fait bon vivre », ce même Philippe Bourdeau note un réel mouvement de fond, de citadins qui choisissent de venir habiter sur les lieux de leurs loisirs. Notre territoire n’échappe pas à ce mouvement, qui attire dans nos communes de nouveaux habitants et de nouveaux entrepreneurs. Une agriculture nourricière et de qualité participe évidemment à cette qualité de vie et à l’attrait du Vercors pour les touristes, les nouveaux habitants et les agriculteurs qui souhaitent exercer un métier valorisant et valorisé.

Qu’adviendra-t-il , quand nous aurons multiplié les atteintes à ce « bien vivre » en Vercors ?

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